En Campanie, au paradis des Romains / Catherine Wiborg, Yann Le Bohec

En Campanie, au paradis des Romains / illustrations Catherine Wiborg, textes Yann Le Bohec ; préface Gilles Sauron. Chamalières : Lemme EDIT, 2025. 157 p.

En Campanie, paradis des Romains. Première de couverture

Catherine Wiborg et Yann Le Bohec, les auteurs de ce bel ouvrage préfacé par le professeur Gilles Sauron nous emmènent dans un court voyage à travers l’Italie antique, explorer la Campanie. Ce territoire aux limites un peu floues s’étend du nord au sud, entre Capoue et les villes perdues d’Herculanum et de Pompéi, édifiées jadis à l’ombre du Vésuve, ce terrible volcan surplombant la baie de Naples et ses îles dont la plus célèbre demeure Capri. Yann Le Bohec insiste sur la richesse de la nature en Campanie, la douceur du climat, les sources chaudes ; la fertilité des sols imprégnés de cendres volcaniques en faisant une terre bénie des dieux. « Les hommes produisaient du blé, du vin et de l’huile ce que les géographes appelaient la trilogie méditerranéenne. » Parmi les vins de l’Antiquité, le Falerne était l’un des plus réputés.

Après avoir mentionné l’influence de différents peuples d’Italie : Étrusques, Osques, Samnites, Lucaniens et aussi des Grecs fondateurs de la ville de Cumes, le professeur Le Bohec aborde la partie proprement historique, suite au rattachement (deditio) de la Campanie à Rome en 343 av. J.-C. En deux chapitres, il étudie la Campanie à l’époque républicaine, puis sous l’Empire. Pendant la Deuxième guerre  punique, la Campanie voit l’arrivée du Carthaginois Hannibal, suite à sa victoire de Cannes en 216 av. J.- C. Son armée éprouvée par de nombreuses batailles va s’y reposer. Les « délices de Capoue » ou supposées telles susciteront pour longtemps la réprobation des moralistes romains. Puis en 73 av. J.-C., c’est la révolte du Thrace Spartacus, propulsé à la tête d’une armée de gladiateurs et d’esclaves. La Campanie est ravagée par la guerre pendant deux ans et l’histoire finit mal pour les insurgés.

Sous la République et sous l’Empire, des personnages importants, des souverains, des figures de l’histoire, de la science et de la philosophie ont séjourné en Campanie, devenue le lieu de villégiature très prisé, comme en témoignent les vestiges de somptueuses domus, édifiées dans des cités à vocation balnéaire ou thermale, qui ont été fouillées par les archéologues. La liste des personnalités évoquées inclut Pompée, le général (et pas seulement gourmet) Lucullus, Cicéron, César, Auguste, Tibère qui possédait plusieurs villas à Capri, Néron, instigateur du meurtre de sa mère Agrippine la Jeune, et plus tard, deux figures imprégnées de philosophie grecque, les empereurs Hadrien et Marc-Aurèle. Plusieurs courts chapitres traitent de l’éruption du Vésuve, catastrophe survenue en 79 après J.-C. : Pompéi est ensevelie sous la cendre, Herculanum sous la lave, d’autres villes connaissant un sort similaire. Le grand savant Pline l’Ancien, amiral de la flotte impériale de Misène, qui s’était porté au secours des habitants, y trouva la mort.    

En parallèle à la mention de grands du monde romain, on discerne aussi sous la plume de Yann Le Bohec, la foule des anonymes, travailleurs des champs, des ports et des villes : paysans, pêcheurs, artisans, marchands, esclaves, gladiateurs et prostituées, travaillant ou fréquentant les marchés, les temples, les thermes, l’amphithéâtre ou les lupanars… La Campanie, ce paradis des Romains, renommé pour son art de vivre, ses paysages et la douceur de son climat, est devenu au fil du temps l’un des paradis des archéologues. Les fouilles, débutées il y a des siècles avec les buts et les moyens d’alors, se poursuivent d’année en année avec les méthodes scientifiques de l’archéologie moderne.

Quatrième de couverture

Pour évoquer, s’il en était besoin, les trésors de cette époque perdue, le choix de Catherine Wiborg comme illustratrice de ce petit livre d’art et d’histoire qui se lit tout seul (et peut loger dans un sac de voyage) se révèle très pertinent. Plus d’une centaines de dessins et de peintures : portraits, statues, animaux, plantes et fleurs, bâtiments, … viennent éclairer, « enluminer » le texte de Yann Le Bohec. Le futur lecteur ne pourra que se réjouir du choix de l’éditeur. Ajoutons que Catherine Wiborg, peintre, est aussi romancière et qu’elle travaille sur de nouveaux projets.

Jean-Paul Brethenoux

Les Chevaliers de la Table Ronde / édité, traduit et préfacé par Emanuele Arioli.

Les Chevaliers de la Table Ronde / édité, traduit et préfacé par Emanuele Arioli. Paris : Éditions du Seuil, 2024. 206 p.

Les Éditions du Seuil ont publié en octobre 2024 un nouveau livre d’Emanuele Arioli. Cette publication très soignée, érudite et accessible à un large public se présente sous la forme d’un beau livre, abondamment illustré d’images et d’enluminures du XVe siècle, contemporaines du manuscrit 4976 de la Bibliothèque de l’Arsenal, relié aux armes de la reine Marie-Antoinette.

Il s’agit selon Emanuele Arioli d’une véritable « encyclopédie des chevaliers de la Table Ronde », illustrée d’écus surmontés de heaumes à cimier, de blasons et de portraits en pied des chevaliers. 174 noms ont été retenus, incluant des rois et des chevaliers de la génération antérieure, celle d’Uther Pendragon, père d’Arthur.

Précédé d’une préface divisée en courts chapitres, l’Armorial de la Table ronde est suivi d’annexes : extraits d’un traité sur les devoirs des chevaliers, petit glossaire d’héraldique médiévale… Ces documents conçus à la fin du Moyen-Âge (entre les batailles d’Azincourt et de Marignan) peuvent être vus comme un chant du cygne de la chevalerie. Celle-ci, qui a perdu de son importance militaire, survit idéalement dans des tournois, tenant dans l’esprit des participants et des mécènes organisateurs, autant de la nostalgie que de la reconstitution d’une geste mythique, mille ans environ séparant l’époque du roi Arthur de cette fin du XVe siècle, qui a vu l’impression du chef-d’œuvre posthume de Thomas Mallory, Le Morte d’Arthur.

Le lecteur va retrouver bien des figures connues par la lecture des romans médiévaux ou à travers le regard facétieux d’Alexandre Astier : Lancelot, Gauvain, Bohort, Perceval,… mais aussi plein d’autres chevaliers. Outre Ségurant le chevalier au Dragon et son ami Dinadan, il y a beaucoup de chevaliers venant d’Orcanie, de Galles, d’Écosse, d’Irlande, de Petite Bretagne et de Gaule, Benoïc, Gaunes, La Terre Déserte, mais aussi d’Aragon, de Galice, de Hongrie, du Danemark… On rencontre aussi parce que l’univers arthurien est quelque peu cosmopolite, un chevalier venu de Rome, un autre de Phrygie, de Perse et même des Sarrazins tels que les fils de d’Esclabor le Méconnu : Palamède, rival malheureux de Tristan et son frère Saphar.  

Jean-Paul Brethenoux

Alexandre. L’Orphelin de la Table Ronde, légende reconstituée et traduite par Emanuele Arioli

Alexandre. L’Orphelin de la Table Ronde / légende reconstituée et traduite par Emanuele Arioli d’après des manuscrits médiévaux. Paris : Les Belles Lettres, 2024. 176 p.


Première de couverture d’Alexandre. L’Orphelin de la Table Ronde d’Emanuele Arioli.


Quatrième de couverture d’Alexandre. L’Orphelin de la Table Ronde d’Emanuele Arioli.

Un an après la publication aux éditions Les Belles Lettres de Ségurant, Le Chevalier au Dragon, Emanuele Arioli revient avec une nouvelle légende arthurienne reconstituée : Alexandre. L’Orphelin de la Table Ronde.

L’auteur a étudié et assemblé les fragments de ce roman de chevalerie qui a été écrit et lu dans l’Europe médiévale du XIIIe au XVe siècles. Le personnage d’Alexandre l’Orphelin, distinct d’autres Alexandre de la légende arthurienne, figure notamment dans Le Morte d’Arthur de Thomas Malory, imprimé en 1485.

Alexandre l’Orphelin est comme Tristan le neveu du perfide et méchant roi Marc de Cornouailles. Le roi a tué son frère et sa veuve doit fuir avec l’enfant. En découvrant une chemise teintée de sang, le jeune Alexandre apprendra en temps voulu le sort de son père et le nom du meurtrier. Déterminé, il fera vœu de venger la mort de son père au cours d’une quête sans fin. Car si Ségurant rappelle quelque peu le tueur de dragon nordique Sigurd ou Siegfried, Alexandre a quelque chose d’un autre Nordique, nommé Hamlet…   

Ce petit livre agréable et, qui se lit tout seul, devrait plaire à un large lectorat.

Le Peuple des Ténèbres / Jean Depelley et Nicolas Guénet, d’après Robert E. Howard

Le Peuple des Ténèbres / scénario de Jean Depelley, dessin de Nicolas Guénet, d’après l’œuvre de Robert E. Howard ; [postface de Patrice Louinet]. Lyon : Éditions Original Watts, 2024. 68 p. + [planches]. (Collection Howard’s Barbarians ; 01).

Quatrième de couverture de Le Peuple des Ténèbres

Cette adaptation par des auteurs français de la nouvelle de Robert E. Howard People of the Dark, publiée en 1932 dans Strange Tales of Terror and Mystery est tout simplement excellente. Le scénario de Jean Depelley est efficace et les dessins de Nicolas Guénet, en noir et blanc, avec des nuances de gris, sont remarquables, magnifiques. On pense à Richard Corben. La postface est de Patrice Louinet, traducteur de Robert Howard chez Bragelonne. Un bien bel album pour les fans de Robert Howard, qui sera suivi par Poèmes barbares, toujours chez Original Watts.

https://www.originalwatts.com/

Akinakès. Une histoire des épées divines de Iaroslav Lebedynsky

Akinakès. Une histoire des épées divines / Iaroslav Lebedynsky. Lemme Edit, 2024. 187 p.

Site de l’éditeur : https://lemmeedit.com/boutique/hors-collection/hors-collection-moyen-age/akinakes/

Né à Paris en 1960, Iaroslav Lebedynsky enseigne l’histoire de l’Ukraine à l’Institut national des langues et civilisations orientales de Paris. Il a signé et cosigné de nombreux ouvrages. Voir sa bibliographie sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Iaroslav_Lebedynsky

Résumé du livre et présentation de l’auteur en quatrième de couverture.

Table des matières.

Introduction. 7

Prologue : le dieu-épée hittite de Yazilikaya. 11.

I. L’icône de fer des Scythes. 15

II. Le culte du dieu à l’épée chez les Sarmates et les Alains. 29.

III. Les traces archéologiques. 35.

IV. L’héritage caucasien. 59.

V. Attila et le glaive de Mars. 79.

Cahier illustré. I-VIII.

VI. Comparaisons eurasiatiques. 91.

VII. Les épées du « Roi Arthur ». 129.

      Conclusion. 149.

      Annexes. 159.

      Bibliographie. 171.

Ce livre de Iaroslav Lebedynsky est une invitation au voyage à travers le temps et l’espace. Les chapitres courts promènent le lecteur de l’empire hittite (vers 1215 av. J.-C.) au Moyen Age occidental, et de la Bretagne insulaire au Japon, en passant par l’Ukraine, le Caucase, l’Oural, la Perse, la Chine… Au commencement était Hérodote d’Halicarnasse. L’historien grec (Ve siècle av. J.-C.) est le premier à écrire sur l’Arès scythe, terrible dieu de la guerre, dont on ignore le nom ethnique, représenté, presque incarné par une épée plantée sur un grand bûcher (auquel on ne met pas le feu !), l’akinakès sidéreos arkhaîos = « un vieil akinakès de fer ». Cette épée courte commune aux nomades scythes et sarmates et aux Perses sédentaires est arrivée jusqu’en Chine.

« L’enquête » de l’auteur se poursuit chez les Sauromates, Sarmates et Alains, à la fois successeurs et héritiers des Scythes. Après un chapitre dédié à l’archéologie, plein de tertres, de kourganes, de statues anthropomorphes, d’épées, de sabres et de poignards, l’auteur aborde aux rives du Caucase, lieu de refuge des Alains et de leurs descendants les Ossètes.

Ces derniers ont transmis sous forme de contes une épopée centrée sur une confrérie de héros, les Nartes dont le plus célèbre est Batradz (Note 1), un guerrier ombrageux, violent, « dont le corps est une lame d’acier trempé » ! Le destin de ce héros se confond avec celui de son épée et plonge ses racines dans un fonds très ancien remontant au passé indo-européen. L’épopée des Nartes a été étudiée par Georges Dumézil, le maître des études indo-européennes, et ses continuateurs, Georges Charachidzé et Joël H. Grisward.

Viennent ensuite Attila et le « glaive de Mars », ce dernier vu sous l’angle de l’épée d’investiture, statut qu’il partage avec l’épée d’Arthur. Puis suivent des comparaisons entre données iraniennes et européennes médiévales, incluant la scandinave Gramr, l’épée de Sigurd/Siegfried, un cadeau empoisonné du dieu Odin. Enfin, l’auteur aborde les « épées d’Arthur », dont la très célèbre Excalibur et questionne l’origine de la légende, en réexaminant la piste sarmate. Bien avant « l’époque d’Arthur », des Sarmates danubiens, vaincus en 175 par l’empereur Marc Aurèle, sont intégrés dans l’armée romaine en tant qu’auxiliaires de cavalerie. Ils servent en Bretagne insulaire (et peut-être en Armorique). Les Romains (et les Germains) auraient emprunté aux Sarmates leur enseigne, un draco (une tête de dragon en métal munie d’une manche à air), qui serait devenue (ou pas) le dragon des Pendragon ? « Par exemple, la légende et l’iconographie attribuent à Arthur une bannière au dragon et son père se nomme Uther Pendragon, littéralement « chef-dragon », « tête-dragon. » (Note 2)

Se référant notamment aux recherches de Martin Aurell, Marcel Brasseur,  Alban Gautier et Justine Breton, et sans rejeter la piste sarmate, l’auteur se concentre sur le thème de l’épée tirée du rocher (du perron, de l’enclume) et de sa jumelle, l’épée offerte par une fée et jetée à la mer (ou dans un lac), deux localisations de l’île d’Avallon où Excalibur aurait été forgée selon L’Histoire des Rois de Bretagne de Geoffroy de Monmouth. L’auteur cite aussi Le Songe de Rhonabwy et Cullwch et Olwen, deux récits des Mabinogion, un recueil de contes gallois de transcription médiévale, transmettant un vieux fonds celtique, où figure l’épée d’Arthur sous le nom gallois est Caledwlch = « dure-entaille ». (Note 3.)

Outre les récits de Robert de Boron, l’auteur mentionne plusieurs romans arthuriens français, préférant La Mort le Roi Artu, du XIIIe siècle, dernier opus du cycle du Lancelot-Graal à la grande compilation de l’Anglais Thomas Malory, Le Morte Darthur, écrite à la fin du XVe siècle.

En comparant un conte ossète recueilli en 1875 en Ossétie, lequel narre la fin d’un Batradz lassé de la vie, à la scène du roman français, dans laquelle Girflet, après plusieurs fausses tentatives, se résout enfin à jeter Excalibur, l’auteur montre les similitudes et les différences concernant le sort des deux épées magiques et de leurs possesseurs respectifs, ce qui s’accompagne de prodiges : Batradz, le héros d’acier, ne peut mourir que si son épée disparaît avant lui dans les eaux, la Mer Noire en deviendra rouge ! Arthur agonisant sait qu’Excalibur doit rejoindre les eaux d’où surgira la main pour la brandir ; grâce au geste plusieurs fois retardé de Girflet, il est dès lors prêt à s’embarquer dans la barque d’Avallon. Dans les deux récits, les auxiliaires ou compagnons, les Nartes d’un côté, Girflet (ou Bedivere selon d’autres versions), cherchent à tromper le héros ou le roi, laissant croire que l’épée a bien été engloutie. C’est le récit du prodige qui proclame la vérité de l’acte !

Pour conclure, on ne peut que conseiller la lecture de ce livre sérieux, documenté et agréable à lire, traitant dans un style alerte un sujet complexe, en conservant un minimum de noms ethniques et de termes techniques, tranchant parfois les hypothèses, mais sans assommer pour autant le lecteur ! Jean-Paul Brethenoux

Note 1. Le père de Batradz est un Narte. Sa mère appartient au peuple des Donbettyr, des génies des eaux, chez qui le héros sera en partie élevé. L’analogie « aquatique » entre Donbettyr et la dame du Lac s’arrête à l’apparence physique : la mère de Batradz vit sur terre sous l’apparence d’une grenouille !

Note 2. Une enluminure du XIIIe siècle montre un Merlin chevauchant avec les chevaliers de la Table Ronde et brandissant son draco.

Note 3. On pourrait ajouter à la riche bibliographie, rassemblant livres, articles, mémoires et catalogues d’exposition, publiés en français, en anglais et dans d’autres langues, notamment d’Europe de l’Est et du Caucase, les deux traductions françaises des Mabinogion : Joseph Loth, Les Mabinogion du Livre Rouge de Hergest avec les variantes du Livre Blanc de Rhydderch, Paris, Fontemoing, 1913, 2 tomes, et Pierre-Yves Lambert, Les Quatre Branches du Mabinogi et autres contes gallois du Moyen Âge, Paris, Gallimard, 1993 (L’aube des peuples).

Enemigos de Roma. I. Los celtas.

Enemigos de Roma. I. Los celtas. Madrid : Desperta Ferro Ediciones, diciembre 2023-enero 2024. 81 p. (Desperta Ferro Especiales ; XXXVII). Auteurs : Luc Baray, Luis Berrocal-Rangel, Alain Deyber, María del Mar Gabaldón Martínez, Gustavo García Jiménez, Sophie Krausz, Thierry Lejars, Alberto Pérez Rubio, Lionel Pernet, Fernando Quesada Sanz, Guillaume Reich. Textes en espagnol. Traduction des textes français : David Soria Molina. Illustration de couverture : Radu Oltean.

Ce dossier abondamment illustré, composé d’une douzaine d’articles rédigés par des archéologues et historiens espagnols et français, spécialistes des Celtes ( Gaulois, Galates, Celtibères…), de la guerre dans l’Antiquité et de l’armement celtique, est en tous points remarquable, tant pour la qualité des textes que de l’iconographie retenue, cartes détaillées comprises. Une réussite !

https://www.despertaferro-ediciones.com/…/enemigos-de…/

Ce numéro spécial de l’excellente revue Desperta Ferro est en tous points remarquable !

Poèmes Barbares d’après Robert Ervin Howard

Poèmes barbares / scénario, [prologue et épilogue] de Jean Depelley, dessin de Christophe Compin, Nicolas Guénet, Oliver Hudson, Gwendal Lemercier, Chris Orpiano, d’après les œuvres de Robert E. Howard ; [illustration de couverture Thierry Girod]. Lyon : Éditions Original Watts, 2024. 71 p. + [planches]. (Collection Howard’s Barbarians ; 02).

Poèmes Barbares. Première de couverture.

Les éditions Original Watts publient sous la direction de David Barnier et Romane Becker une nouvelle adaptation de Robert Ervin Howard, confiée à Jean Depelley pour le scénario et à Nicolas Guénet et quatre autres dessinateurs : Christophe Compin, Oliver Hudson, Gwendal Lemercier, Chris Orpiano.

Jean Depelley a sélectionné cinq poèmes de Howard, parmi l’ensemble du recueil Chants de guerre et de mort publié en France par François Truchaud en 1988.

Encadrés d’un prologue et d’un épilogue de Jean Depelley et Nicolas Guénet, s’ouvrent Les Portes de Ninive, suivies de Crète, Futilité, Le Chant des chauves-souris et La harpe d’Alfred.

Poèmes Barbares. Quatrième de couverture.

Chants de guerre et de mort. Première de couverture.

Chants de guerre et de mort / Robert Ervin Howard ; poèmes choisis par Glen Lord ; traduits de l’américain par François Truchaud ; [couverture illustrée par Jean-Michel Nicollet. Édition bilingue. Paris : NéO, 1988. 145 p. (Collection Néo/Plus. Hors-Série.)

Ce nouvel album au graphisme contrasté, déployant cinq styles différents, est très
réussi. Cela n’était pas évident, car adapter un poème pouvait sembler plus difficile qu’un texte plus long, comme une nouvelle ou un roman. Chacun des poèmes est présenté par Jean Depelley qui a joint le texte original de Howard et sa propre traduction.

En route pour un voyage à travers le temps et l’espace au cours duquel le lecteur croisera des personnages mythiques, légendaires ou historiques, tels que le Minotaure, le roi Salomon ou encore Alfred de Wessex.

“Nous fûmes rois autrefois”.

Ségurant le Chevalier au Dragon par Emanuele Arioli et sa mesnie.

La légende arthurienne revient dans l’actualité grâce aux recherches et au travail d’édition de manuscrits arthuriens réalisé par Emanuele Arioli, jeune chercheur italien, ayant effectué une partie de ses études en France.

Ségurant Le Chevalier au Dragon. Roman de la Table Ronde / édité et traduit par Emanuele Arioli d’après des manuscrits médiévaux retrouvés. Paris : Les Belles Lettres, 2023. 264 p.

Ce premier titre, lu il y a environ un mois, est tout à la fois passionnant, érudit et accessible à un large public.

Le Chevalier au Dragon / Emanuele Arioli, Emiliano Tanzillo. Dargaud Benelux, 2023. 104 p.

Il s’agit d’une adaptation en BD de l’histoire de Ségurant avec une surprise de taille : le héros, dessiné par Emiliano Tanzillo, se nomme ici Sivar ! L’album est un tous publics à partir de 12 ans.



N’ayant acquis les deux titres suivants que récemment, je les ai seulement parcourus. Ils sont dans ma pile de lecture. Ces volumes s’adressent plus particulièrement à un public de médiévistes et à des lecteurs connaissant un peu la littérature arthurienne.

Ségurant ou le Chevalier au Dragon. Étude d’un roman arthurien retrouvé / Emanuele Arioli. Paris : Honoré Champion Éditeur, 2019. 536 p. (Collection Nouvelle bibliothèque du Moyen Âge ; 126).



Ségurant ou le Chevalier au Dragon. Tome I. Version cardinale / édition critique par Emanuele Arioli. Deuxième édition. Paris : Honoré Champion Éditeur, 2023. 402 p. (Collection Les Classiques français du Moyen Âge ; 188).

Ségurant le Chevalier au Dragon / histoire et scénario Emanuele Arioli, illustration de la légende Emiliano Tanzillo, bande dessinée Alekos et Emiliano Tanzillo. Éditions du Seuil Jeunesse, 2023.

L’épée jetée au lac

L’épée jetée au lac. Romans de la Table Ronde et légendes sur les Nartes / Joël-Henri Grisward. Paris : Éditions Champion, 2022. 190 p. (Essais sur le Moyen-Âge ; 78).

Joël-Henri Grisward est Professeur honoraire de littérature française du Moyen Âge à l’Université François-Rabelais de Tours et auteur, parmi d’autres livres, d’Archéologie de l’épopée médiévale. Structures trifonctionnelles et mythes indo-européens dans le cycle des Narbonnais, publié en 1981 et préfacé par Georges Dumézil.

Le présent livre s’ouvre sur un souvenir atypique de mai 1968, l’auteur raconte qu’il a acheté un livre aperçu en devanture d’une librairie du quartier latin: L’Idéologie des trois fonctions dans les épopées des peuples indo-européens par Georges Dumézil [le premier tome de Mythe et épopée chez Gallimard]. Ce livre va orienter sa vie. L’auteur, qui travaillait alors sur La Mort le Roi Artu, un roman français du XIIIe siècle cite cette phrase mémorable de Dumézil : «À la fin, il clame son secret: la mort ne le prendra que lorsque sa puissante épée sera jetée dans les eaux de la Mer Noire». Et Grisward de commenter: «Or, ce secret, c’est très exactement celui du roi Arthur!». Ce «il» n’est autre que le Narte Batradz (1), le héros de la grande épopée des Ossètes du Caucase, lesquels sont les descendants des Alains, réfugiés au Caucase et par-delà des nomades Scythes et Sarmates. À travers les vicissitudes de l’Histoire, les Ossètes ont réussi à conserver leur langue et leurs légendes d’origine indo-européenne.

Le livre est structuré en quatre chapitres, suivis d’une bibliographie (2) et d’index. L’auteur s’attache à démontrer les ressemblances voire les similitudes fonctionnelles entre un trio celto-médiéval formé de Keu, Gauvain et Arthur et un trio ossète composé de Syrdon, Soslan (ou Sozryko) et Batradz. En accord avec d’autres auteurs, Grisward écarte l’hypothèse d’emprunts directs entre Celtes et Ossètes, lui préférant celle d’un héritage commun, remontant au lointain passé indo-européen. Si l’auteur mentionne bien la présence d’Alains en Gaule romaine, à l’époque des Grandes Invasions, il n’évoque pas celle des Sarmates en Bretagne romaine.

«Keu le premier ou le Feu dans l’Eau», p. 15-45.

L’étude commence par celle du sénéchal Keu, le Cai Hir des contes gallois. Keu est le dystein d’Arthur, l’intendant, organisateur de banquets, le gardien des clefs (3). La nourriture abondante relève de la troisième fonction indo-européenne, comme les talents de l’artisan, ici le polisseur d’épée, dans le conte gallois Kulhwch et Olwen (4). Keu est réputé pour son humeur irascible, détestable, sa langue perfide et ses nombreuses mésaventures. Keu est un guetteur, qui aperçoit en premier les nouveaux arrivants. Grisward rapproche Keu de plusieurs figures analogues ou homologues: l’Irlandais Bricriu, organisateur de banquets, l’Ossète Syrdon, un bâtard, qui partage avec Keu le goût du secret et que l’on surnomme le «fléau des Nartes», le dieu scandinave Loki, le gallois Evnissyen, et aussi de deux dieux: le Romain Janus, à la double-face, et l’Indien védique Agni, qui est à proprement parler, le Feu dans l’Eau. Keu le Perturbateur, apparaît aux yeux de l’auteur comme un initiateur, celui qui déclenche l’Aventure. Grisward souligne que c’est Keu qui en éloignant le jeune Perceval de la cour d’Arthur, où il vient juste d’arriver, va permettre au héros de devenir celui qu’il doit être, d’abord en découvrant son nom véritable, pour se mettre ensuite en quête du Graal. Que le sénéchal Keu soit vantard, orgueilleux, parfois odieux, est un fait récurrent dans les textes gallois, français, anglais…, va de pair avec ses qualités guerrières, indéniables dans les contes gallois, plus contrastées dans les romans français. Il est notable que Keu, malgré ses défauts, ne se comporte jamais comme les criminels, débordant d’hubris, que sont l’Ossète Syrdon, le Scandinave Loki ou le Gallois Evnissyen (5) qui après avoir mutilé les chevaux offerts au roi d’Irlande, jette son jeune neveu, fils de ce même roi, dans le feu, provoquant ainsi un massacre et une guerre avec les Irlandais. Enfin, jamais (ou presque jamais) Keu ne trahit Arthur.

«Gauvain ou le chevalier soleil», p. 57-106.

Ensuite vient le gentil Gauvain, preux chevalier et neveu préféré du roi Arthur. C’est Gauvain le Conciliateur qui, par de douces paroles, saura convaincre un Perceval absorbé par son extase sur fond de neige, de revenir à la cour d’Arthur, après que Perceval a cabossé Keu et un autre chevalier, venus lui demander son nom. Ne jamais cacher son nom, malgré les risques encourus, est une caractéristique de Gauvain, au contraire de Keu le rusé. Le personnage de Gauvain est très connu chez nous, plus en tout cas que le héros ossète Soslan. Les deux ont des points communs : ce sont des guerriers courageux, téméraires, féroces aussi, qui manifestent une propension à courir le guilledou. Le Breton Gauvain, Gwalchmei en gallois, est le possesseur d’un cheval-fée, à la robe blanche, nommé le Gringalet. Parmi les objets et symboles attachés au personnage ou aux aventures, et qu’il partage parfois avec l’Ossète Soslan, on trouve le soleil, la roue solaire, parfois blasonnée, et la hache. La force de Gauvain croît avec le soleil montant, culmine à midi, pour décroître ensuite… Quant à la hache, elle participe de ce que les mythologues nomment «le Jeu du décapité». Le jour de Noël ou du Nouvel An, un Chevalier Vert, portant une grande hache (ou guisarme) arrive à la cour d’Arthur et défie les chevaliers de le décapiter et de se soumettre un an plus tard à la même épreuve. Seul Gauvain accepte, tranche la tête du Chevalier Vert, qui s’en repart la tête sous le bras. Au bout d’une année, au terme d’une quête, au cours de laquelle, Gauvain restera chaste en présence de l’épouse du Chevalier Vert, se soumettra au «Jeu du décapité» mais sauvera sa tête… Le grand héros irlandais Cuchulainn connaît une aventure similaire avec le géant (ou dieu) Cu Roi, surgi lui aussi de l’Autre-Monde. Étendant la thématique du «Jeu du décapité» à l’ancienne Gaule, Grisward mentionne le rapprochement opéré jadis par Françoise Le Roux et Christian Guyonvarc’h à propos d’un fragment énigmatique du géographe grec Posidonius. Ce dernier mentionnait une scène curieuse: un Gaulois, ayant reçu de riches présents, les distribuait à son entourage avant de s’offrir à la décapitation, à l’épée cette fois. Ce passage pose la question des frontières ténues séparant le rite et le mythe et ses possibles représentations, y compris sous une forme théâtrale, puisque la scène évoquée se déroule dans un théâtre.

«Arthur ou le roi-épée», p. 107-143.

L’auteur étudie les destins parallèles du héros breton et de son homologue ossète, Batradz, le héros d’acier. La vie et la destinée de ces deux figures sont liées à leur épée. Batradz, l’enfant trempé comme une épée, possède une épée fabuleuse, qui devra être jetée dans la Mer Noire, provoquant ainsi sa mort. On voit clairement la ressemblance avec le destin d’Arthur. Pourtant les choses sont peut-être moins claires qu’il n’y paraît. Batradz conserve sa vie durant la même épée et il n’est pas roi. Au contraire d’Arthur, dont le destin est lié à une épée nommée Excalibur, Caliborn, ou Caledvwlch en gallois. À la fin, l’épée d’Arthur est jetée dans un lac, selon les versions, par Girflet ou Bedivere, Bedwyr en gallois, qui est à la fois l’échanson et le connétable d’Arthur. Certains considèrent que l’épée jetée au lac, offerte par la Dame du Lac, est la même que celle apparue dans l’enfance d’Arthur, plantée dans un rocher ou une enclume, et retirée, replantée, puis retirée par le jeune Arthur. Ce qui pourrait paraître comme un détail sans importance ne l’est pas. Car le lien entre la pierre et la Souveraineté est très prégnant chez les Celtes. Comme en témoigne la mythique Pierre de Fâl, apportée depuis les Quatre Îles au Nord du Monde, avec trois autres talismans, dont l’épée de Nuada, roi des Tuatha Dé Danann, les dieux de l’Irlande païenne. La pierre crie lorsqu’un roi légitime prend la Souveraineté sur l’Irlande. Dans la version bretonne christianisée, c’est une inscription qui révèle le lignage d’Arthur témoignant de son droit à la souveraineté sur l’île de Bretagne. Or Joël Grisward semble insister beaucoup sur l’aspect guerrier d’Arthur, peut-être pour intensifier le rapprochement avec Batradz, plutôt que sur son rôle de souverain. Or, si Arthur est roi de Bretagne et des îles, dans certains textes gallois, il est empereur. Ceci justifie la guerre avec l’empereur de Rome, présente chez Geoffroy, Wace et dans les romans, jusqu’à Malory. L’aspect guerrier est présent dans toutes les sources textuelles et figuratives italiennes notamment. Comme en témoignent l’archivolte de la cathédrale de Modène, montrant une expédition d’Arthur venu délivrer Guenièvre, retenue par Méléagant ou l’étrange mosaïque d’Otrante, vers 1165 (6) montrant un Arthur, brandissant une masse à tête ronde et chevauchant un bouc. Grisward y voit plutôt qu’une caricature d’Arthur, un rapprochement avec un des célèbres guerriers à la massue, le grand Héraclès (7) !

«Le trio magnifique ou le Rivage des Scythes», p. 145-175.

L’auteur poursuit sa comparaison entre les deux trios, le breton, formé par Keu, Gauvain et Arthur et l’ossète, composé de Syrdon, Soslan et Batradz. Or l’auteur le concède, le trio originel du côté breton, comme en témoignent les contes gallois, est formé de Keu, Arthur et Bedwyr, le Bedivere des romans. Décrit comme le plus bel homme de Bretagne, c’est un guerrier redoutable, comme Keu ou Gauvain, et ce, malgré son infirmité. Bedwyr, le porteur de diadème est manchot. Certains ont pu faire le rapprochement avec le roi Nuada, évoqué ci-dessus, qui, en perdant son bras, perd la royauté. Parvenu au terme de cette longue (trop longue) suite d’impressions de lecture, éloignée d’un compte rendu au sens académique, j’espère que le futur lecteur prendra plaisir à découvrir ce livre de Joël Grisward, qui est à la fois clair, érudit et accessible et pour tout dire bien agréable à lire.

Jean-Paul Brethenoux

(1). Les Nartes sont une sorte de confrérie guerrière initiatique, une société d’hommes, un Männerbund, ce qui n’exclut pas la présence dans les récits de personnages féminins parfois hauts en couleur.

(2). P. 177-183 : Œuvres, Corpus d’études, Études et articles. L’ensemble des œuvres répertoriées ici, dont l’auteur fournit de multiples extraits, va des Mabinogion gallois et des chroniques de Geoffroy de Monmouth et de son adaptateur normand Robert Wace, jusqu’à la compilation du chevalier anglais Thomas Malory, Le Morte d’Arthur, en passant par les romans courtois de Chrétien de Troyes, de Robert de Boron et des continuateurs anonymes ou non du cycle français du Lancelot-Graal. On peut regretter l’absence dans la bibliographie du livre Le Cortège du Graal. Du mythe celtique au roman arthurien de Valéry Raydon, paru en 2019, chez Terre de Promesse.

(3). Des clefs figureront plus tard sur le blason associé à Keu.

(4).  Les Quatre Branches du Mabinogi et autres contes gallois du Moyen-Âge, traduit du moyen gallois, annoté et présenté par Pierre-Yves Lambert, 1993, Paris, Gallimard, « L’aube des peuples ».

 (5). « Le Mabinogi de Branwen », in Les Quatre branches du Mabinogi… p. 57-76.

(6). Martin Aurell, La Légende du roi Arthur. 550-1250, 2007, Paris, Perrin, planche 1.

(7). Héraclès était identifié au dieu gaulois Ogmios, un porteur de massue tout comme son confrère Smertrios, un Tueur de Serpent. 

La première version de ce compte-rendu a été publiée le 11 février 2023 sur le site de la revue NMC : Nouvelle mythologie comparée. J’en profite pour remercier Patrice Lajoye et Guillaume Oudaer.

http://nouvellemythologiecomparee.hautetfort.com/archive/2023/02/11/review-6427701.html

La neuvième vague

La neuvième vague et autres essais sur le légendaire celtique de Bretagne / Claude Sterckx. Marseille : Terre de Promesse, 2019. 191 p. (Au cœur des mythes ; 7). ISBN 978-2-9561503-3-6. 20 €.

Claude STERCKX est né en 1944 en Belgique. Celtisant et mythologue, il a enseigné aux universités de Bruxelles et de Charleroi, présidé la Société Belge d’Études Celtiques et dirigé la revue Ollodagos. Parmi les nombreux livres et articles qu’il a publiés, nous avons eu l’occasion d’apprécier : Éléments de cosmogonie celtique, 1986, Les mutilations rituelles des ennemis chez les Celtes préchrétiens, 2005, Mythologie du monde celte, 2009 et Mythes et dieux celtes, 2010.

Claude Sterckx

Les illustrations des première et quatrième de couverture, Manawyddan uab Llyr,  sont signées Erwan SEURE LE BIHAN.

Présentation de l’éditeur : « Tout au long de sa carrière scientifique, le mythologue et celtisant belge Claude Sterckx a consacré nombre de ses travaux à l’identification et au décryptage des anciens mythes celtiques ayant inspiré certains contes folkloriques, croyances populaires et récits hagiographiques de la Bretagne. Ce livre rassemble huit des essais les plus notables de ce savant sur cette matière celto-bretonne mise en lumière grâce au comparatisme interceltique et indo-européen et offre l’opportunité de découvrir la celticité de la Neuvième Vague, de saint Goëznou et de son bâton fourchu, de l’engloutissement d’Is, de la légende de Locronan, ou encore du vénérable Tadig Khoz. Ce recueil sterckxien se veut aussi une invitation à redécouvrir l’œuvre de ce chercheur qui a reçu en 2006 le collier de l’Ordre de l’Hermine pour son action en faveur de l’identité et de la culture bretonne. »

I. Lugus et la neuvième vague, pp. 9-42.

Partant d’une expression du folklore breton, an nogejoú, la « neuvième vague », l’auteur emmène le lecteur dans un voyage dans  les mythologies irlandaise et galloise, autour de la figure panceltique du dieu Lug, de ses avatars et d’autres divinités celtiques et indo-européennes.

II. Survivances de la mythologie celtique dans quelques légendes bretonnes, pp. 43-58.

Claude Sterckx étudie ici la correspondance entre la massue du dieu souverain irlandais Dagda et le bâton fourchu de saint Goëznou, par le rapprochement avec le maillet du dieu gaulois et gallo-romain Sucellos et le Mell Benniget de l’Ankou breton. Massue, maillet ou bâton procurent la vie ou la mort et servent à délimiter un espace sacré, ce qui leur confère un aspect cosmogonique.

III. Débris mythologiques en Basse-Bretagne, pp. 59-68.

Où il est encore question d’un bâton magique, d’un marteau et d’une nappe d’abondance dans cet essai centré sur le conte Jozebig ha Merlin. La nappe merveilleuse qui procure nourriture et boisson à volonté est l’équivalent du chaudron du Dagda, quant au bâton magique, il libère lorsqu’on l’invoque « quatre cavaliers, vêtus de bleu et armés chacun d’un grand fusil » qui servent au héros à récupérer son talisman. Claude Sterckx a inséré les deux versions française et bretonne du conte Jozebig ha Merlin et termine son article en citant une aventure du Dagda, figurant dans le Livre de Leinster, fleuron de la tradition médiévale irlandaise, dont la structure est très proche du récit breton.

Si le conte breton a été recueilli au XXe, mais pourrait remonter au XIXe siècle, d’où les fusils des quatre cavaliers vêtus de bleu, nous relevons pour notre part que quatre cavaliers sont figurés sur deux chefs-d’œuvre de l’art celtique,  le fourreau de Hallstatt, Ve siècle avant notre ère et le bassin de Gundestrup, Ier siècle avant notre ère.

IV. De Fionntan au Tadig Kozh : figures mythiques d’Irlande et de Bretagne, pp. 69-76.

L’auteur rapproche ici les figures mythiques du druide primordial irlandais Fintan, du barde gallois Taliesin et du prêtre breton Tadig Kozh, dont la légende a été recueillie par Anatole Le Braz. Ces trois personnages sont littéralement des Grands Anciens, les êtres les plus anciens du monde. Ils sont les dépositaires de la connaissance universelle : « Tadig Kozh, lui,  possédait tous les secrets de la vie et tous les secrets de la mort. »

V. Traces de mythes préchrétiens dans la légende de Locronan ?, pp. 77-86.

L’essai comporte trois courtes parties : La circumambulation. Les Bovidés. Keben, la corne cassée et la jument de Pierre.

Partant des travaux de Donatien Laurent sur la Troménie de Locronan, cette procession chrétienne, dont le symbolisme est probablement enraciné dans les croyances celtes préchrétiennes, Claude Sterckx écrit : « Cette symbolique paraît être la réitération d’un acteur créateur. » L’auteur convoque pour sa démonstration  le mythe irlandais, la légende d’Héraclès en Gaule et même l’Inde védique, avec comme point commun, le vol de bétail des bovidés et un périple correspondant à la création ou recréation du monde ou d’un monde, à un rétablissement de l’équilibre cosmique, compromis par les mauvaises actions d’un démon ou d’une « serpente », ici Keben, l’adversaire de Saint Ronan.

VI. Rhiannon en Armorique, pp. 87-89.

Dans ce court, trop court chapitre, Sterckx esquisse un rapprochement entre la célèbre Rhiannon, héroïne des Mabinogion gallois et la bretonne Riwanon, mère de saint Hervé.

VII. Les deux bœufs du déluge et la submersion de la ville d’Is, 91-132.

L’auteur traite dans cet essai du thème du déluge et de la submersion par les eaux, celles d’une fontaine, d’un lac, d’un bras de mer ou de l’océan dans les pays celtiques, Irlande, Pays de Galles, Cornouailles et bien sûr Bretagne armoricaine, avec la très célèbre Keris. A ce thème sont associés dans les récits mythologiques, légendaires, hagiographiques et aussi les contes populaires, un certain nombre de personnages connus comme Dahut/Ahès, fille du roi Gradlon, de saints comme Corentin, Guénolé et de héros plus discrets comme Kristof, l’idiot qui déracine un grand chêne- arbre du monde- provoquant la submersion à retardement de la ville d’Is. On y rencontre aussi des animaux mythiques, des bœufs, comme ceux de Hu Cadarn, issus de la métamorphose de deux rois punis pour leurs fautes ou des chevaux dont l’urine provoque une catastrophe. Il fallait bien l’érudition de Claude Sterckx pour se retrouver dans ce dédale de récits parfois fragmentaires et dégager le sens du mythe celtique, parfois influencé, certain(e)s diront contaminé,  par les récits bibliques du déluge et de la punition de Sodome et Gomorrhe, cités détruites par le feu venu du Ciel.

VIII. La fondation de Rome et celle de la Bretagne, pp. 133-155.

Dans ce dernier essai, Claude Sterckx étudie les parallélismes entre le mythe de la fondation de Rome par Romulus (et Remus) et l’histoire de l’usurpateur Magnus Maximus au IVe siècle, le Macsen Gwledig des récits gallois, et son allié, le légendaire chef breton Conan Mériadec, féroce conquérant de l’Armorique.

Le livre comporte deux index et une très riche bibliographie.

On peut visionner sur YouTube une série d’entretiens de l’auteur publiés par Joël Hascoët : https://www.youtube.com/watch?v=fJtdagCYz5cc
Pour commander le livre chez l’éditeur : http://www.terredepromesse.com/site/produit/la-neuvieme-vague/

Crédits illustrations : © Terre de Promesse © Erwan Seure Le Bihan © Anne-Marie Sterckx.

 Jean-Paul BRETHENOUX.