Cuchulainn. Tome 1, Trois corneilles. D‘après La courtise d’Emer / Ronan Seure-Le Bihan. Les Éditions du Nemeton 2018. 80 p.
Ronan Seure-Le Bihan est un jeune auteur de BD, qui a assuré l’ensemble de la conception et de la réalisation (scénario, textes, dessins et couleurs), de cet album sorti en juin 2018, suite à une levée de fonds. Il fallait de l’audace pour oser adapter en BD, l’histoire de Cuchulainn, le grand héros d’Eriu, l’Irlande païenne, protagoniste de La razzia des vaches de Cooley et d’autres récits comme Les enfances de Cuchulainn, La courtise d’Emer, La mort de Cuchulainn.
Fils de Sualtam et du grand dieu Lug, (pour ne rien dire de son oncle Conchobar, roi des Ulates), l’enfant prodige Setanta, âgé de 7 ans, tue un horrible molosse, le chien du forgeron Culann, gagnant ainsi son deuxième nom, Cuchulainn, le chien de Culann.
Devenu un jeune homme, il courtise la belle Emer ; son futur beau-père l’envoie en Alba, l’Écosse, pour suivre une formation dans tous les arts, ce qui inclut la guerre et la magie, en espérant qu’il y laissera sa peau.
Ses formateurs seront des formatrices, Scatach et Uatach, la mère et la fille, qui vont se charger de l’éducation guerrière, magique et sexuelle du héros, chacune lui prodiguant l’amitié de ses cuisses !
Cuchulainn va vivre des aventures violentes, rencontrer le héros Ferdiad, à la peau de corne, et la belle Aife, la troisième guerrière.
Si l’on veut situer Cuchulainn au sein des littératures celtiques et indo-européennes, il est l’équivalent d’Achille chez les Grecs, du héros Batraz chez les Ossètes du Caucase, ou plus près de nous dans l’espace et dans le temps, de Sigurd / Siegfried ou de Roland, neveu de Charlemagne.
La gageure relevée par Ronan Seure-Le Bihan est d’avoir réalisé un album, qui s’adresse autant à l’amateur de BD qu’au connaisseur de l’épopée et de la mythologie irlandaise. On ressent une forte influence des comics au niveau du trait et des cadrages, ici peu de ligne claire, du genre Tintin chez les Ulates.
Lors de la publication de quelques planches sur Facebook, des voix, une en fait, s’est élevée pour dénoncer “la laideur et la vulgarité » du graphisme, allant jusqu’à contester la possibilité d’adapter un récit épique ou mythologique en BD. Si les aventures de Cuchulainn étaient un récit sacré pour les Irlandais païens et même chrétiens, un auteur moderne a parfaitement le droit moral de l’adapter pour le faire connaître, dès l’instant où il ne dénature pas le mythe. Les couleurs sont vives, parfois criardes, elles tournent aussi à la douceur pastel. Les scènes violentes sont nombreuses, mais conformes à l’atmosphère de l’épopée irlandaise.
Ronan Seure-Le Bihan a su utiliser les sources médiévales et la documentation archéologique pour recréer un univers visuel cohérent, comme en témoignent les chars de guerre tirés par deux chevaux, les panoplies issues des deux âges du Fer celtiques, et les costumes et coiffures des personnages qui sont très réussis.
Le récit mêle scènes d’action et passages oniriques, où interviennent les dieux celtes, Lug, Dagda, Ogme et les déesses Morrigan, Bodh, Macha, les Trois Corneilles du titre de la BD.
Le lecteur découvrira aussi avec plaisir les auxiliaires du héros, Dolb et Indolb, deux habitants du Sid, l’Autre-Monde irlandais, présents dans La razzia des vaches de Cooley.
Embarquez avec Cuchulainn ! Cap sur Alba !
Jean-Paul BRETHENOUX
Le point de vue de Valéry Raydon :
Pour acquérir l’album?: http://www.keltia-magazine.com/produit/cuchulainn-tome-1-les-3-corneilles-de-ronan-seure-le-bihan/
La Razzia des vaches de Cooley / traduit de l’irlandais ancien, présenté et annoté par Christian-J. Guyonvarc’h. Gallimard, 1994. (L’aube des peuples).
La Rafle des vaches de Cooley : récit celtique irlandais / traduit du moyen irlandais, présenté et annoté par Alain Deniel. L’Harmattan, 1997.