La neuvième vague et autres essais sur le légendaire celtique de Bretagne / Claude Sterckx. Marseille : Terre de Promesse, 2019. 191 p. (Au cœur des mythes ; 7). ISBN 978-2-9561503-3-6. 20 €.
Claude STERCKX est né en 1944 en Belgique. Celtisant et mythologue, il a enseigné aux universités de Bruxelles et de Charleroi, présidé la Société Belge d’Études Celtiques et dirigé la revue Ollodagos. Parmi les nombreux livres et articles qu’il a publiés, nous avons eu l’occasion d’apprécier : Éléments de cosmogonie celtique, 1986, Les mutilations rituelles des ennemis chez les Celtes préchrétiens, 2005, Mythologie du monde celte, 2009 et Mythes et dieux celtes, 2010.
Les illustrations des première et quatrième de couverture, Manawyddan uab Llyr, sont signées Erwan SEURE LE BIHAN.
Présentation de l’éditeur : « Tout au long de sa carrière scientifique, le mythologue et celtisant belge Claude Sterckx a consacré nombre de ses travaux à l’identification et au décryptage des anciens mythes celtiques ayant inspiré certains contes folkloriques, croyances populaires et récits hagiographiques de la Bretagne. Ce livre rassemble huit des essais les plus notables de ce savant sur cette matière celto-bretonne mise en lumière grâce au comparatisme interceltique et indo-européen et offre l’opportunité de découvrir la celticité de la Neuvième Vague, de saint Goëznou et de son bâton fourchu, de l’engloutissement d’Is, de la légende de Locronan, ou encore du vénérable Tadig Khoz. Ce recueil sterckxien se veut aussi une invitation à redécouvrir l’œuvre de ce chercheur qui a reçu en 2006 le collier de l’Ordre de l’Hermine pour son action en faveur de l’identité et de la culture bretonne. »
I. Lugus et la neuvième vague, pp. 9-42.
Partant d’une expression du folklore breton, an nogejoú, la « neuvième vague », l’auteur emmène le lecteur dans un voyage dans les mythologies irlandaise et galloise, autour de la figure panceltique du dieu Lug, de ses avatars et d’autres divinités celtiques et indo-européennes.
II. Survivances de la mythologie celtique dans quelques légendes bretonnes, pp. 43-58.
Claude Sterckx étudie ici la correspondance entre la massue du dieu souverain irlandais Dagda et le bâton fourchu de saint Goëznou, par le rapprochement avec le maillet du dieu gaulois et gallo-romain Sucellos et le Mell Benniget de l’Ankou breton. Massue, maillet ou bâton procurent la vie ou la mort et servent à délimiter un espace sacré, ce qui leur confère un aspect cosmogonique.
III. Débris mythologiques en Basse-Bretagne, pp. 59-68.
Où il est encore question d’un bâton magique, d’un marteau et d’une nappe d’abondance dans cet essai centré sur le conte Jozebig ha Merlin. La nappe merveilleuse qui procure nourriture et boisson à volonté est l’équivalent du chaudron du Dagda, quant au bâton magique, il libère lorsqu’on l’invoque « quatre cavaliers, vêtus de bleu et armés chacun d’un grand fusil » qui servent au héros à récupérer son talisman. Claude Sterckx a inséré les deux versions française et bretonne du conte Jozebig ha Merlin et termine son article en citant une aventure du Dagda, figurant dans le Livre de Leinster, fleuron de la tradition médiévale irlandaise, dont la structure est très proche du récit breton.
Si le conte breton a été recueilli au XXe, mais pourrait remonter au XIXe siècle, d’où les fusils des quatre cavaliers vêtus de bleu, nous relevons pour notre part que quatre cavaliers sont figurés sur deux chefs-d’œuvre de l’art celtique, le fourreau de Hallstatt, Ve siècle avant notre ère et le bassin de Gundestrup, Ier siècle avant notre ère.
IV. De Fionntan au Tadig Kozh : figures mythiques d’Irlande et de Bretagne, pp. 69-76.
L’auteur rapproche ici les figures mythiques du druide primordial irlandais Fintan, du barde gallois Taliesin et du prêtre breton Tadig Kozh, dont la légende a été recueillie par Anatole Le Braz. Ces trois personnages sont littéralement des Grands Anciens, les êtres les plus anciens du monde. Ils sont les dépositaires de la connaissance universelle : « Tadig Kozh, lui, possédait tous les secrets de la vie et tous les secrets de la mort. »
V. Traces de mythes préchrétiens dans la légende de Locronan ?, pp. 77-86.
L’essai comporte trois courtes parties : La circumambulation. Les Bovidés. Keben, la corne cassée et la jument de Pierre.
Partant des travaux de Donatien Laurent sur la Troménie de Locronan, cette procession chrétienne, dont le symbolisme est probablement enraciné dans les croyances celtes préchrétiennes, Claude Sterckx écrit : « Cette symbolique paraît être la réitération d’un acteur créateur. » L’auteur convoque pour sa démonstration le mythe irlandais, la légende d’Héraclès en Gaule et même l’Inde védique, avec comme point commun, le vol de bétail des bovidés et un périple correspondant à la création ou recréation du monde ou d’un monde, à un rétablissement de l’équilibre cosmique, compromis par les mauvaises actions d’un démon ou d’une « serpente », ici Keben, l’adversaire de Saint Ronan.
VI. Rhiannon en Armorique, pp. 87-89.
Dans ce court, trop court chapitre, Sterckx esquisse un rapprochement entre la célèbre Rhiannon, héroïne des Mabinogion gallois et la bretonne Riwanon, mère de saint Hervé.
VII. Les deux bœufs du déluge et la submersion de la ville d’Is, 91-132.
L’auteur traite dans cet essai du thème du déluge et de la submersion par les eaux, celles d’une fontaine, d’un lac, d’un bras de mer ou de l’océan dans les pays celtiques, Irlande, Pays de Galles, Cornouailles et bien sûr Bretagne armoricaine, avec la très célèbre Keris. A ce thème sont associés dans les récits mythologiques, légendaires, hagiographiques et aussi les contes populaires, un certain nombre de personnages connus comme Dahut/Ahès, fille du roi Gradlon, de saints comme Corentin, Guénolé et de héros plus discrets comme Kristof, l’idiot qui déracine un grand chêne- arbre du monde- provoquant la submersion à retardement de la ville d’Is. On y rencontre aussi des animaux mythiques, des bœufs, comme ceux de Hu Cadarn, issus de la métamorphose de deux rois punis pour leurs fautes ou des chevaux dont l’urine provoque une catastrophe. Il fallait bien l’érudition de Claude Sterckx pour se retrouver dans ce dédale de récits parfois fragmentaires et dégager le sens du mythe celtique, parfois influencé, certain(e)s diront contaminé, par les récits bibliques du déluge et de la punition de Sodome et Gomorrhe, cités détruites par le feu venu du Ciel.
VIII. La fondation de Rome et celle de la Bretagne, pp. 133-155.
Dans ce dernier essai, Claude Sterckx étudie les parallélismes entre le mythe de la fondation de Rome par Romulus (et Remus) et l’histoire de l’usurpateur Magnus Maximus au IVe siècle, le Macsen Gwledig des récits gallois, et son allié, le légendaire chef breton Conan Mériadec, féroce conquérant de l’Armorique.
Le livre comporte deux index et une très riche bibliographie.
On peut visionner sur YouTube une série d’entretiens de l’auteur publiés par Joël Hascoët : https://www.youtube.com/watch?v=fJtdagCYz5cc
Pour commander le livre chez l’éditeur : http://www.terredepromesse.com/site/produit/la-neuvieme-vague/
Crédits illustrations : © Terre de Promesse © Erwan Seure Le Bihan © Anne-Marie Sterckx.
Jean-Paul BRETHENOUX.